En 1799, Lafayette s’installe au château de Lagrange. L’ensemble de ses livres sera réparti
dans la salle de bibliothèque, aménagée par Vaudoyer dans un style jeffersonien,
et dans les appartements de son épouse Adrienne et de ses enfants. Si de nombreux livres avaient été perdus au cours des événements qui terminèrent le siècle, Lafayette s’attachera à se faire restituer les ouvrages victimes de saisie et à racheter les perdus. A côté des auteurs classiques qui forment l’enseignement aristocrate, on retrouve les ouvrages d’art et d’histoire militaires, plusieurs générations d’intellectuels des Lumières, mais surtout une bibliothèque américaine et son avant-garde intellectuelle, des ouvrages scientifiques et d’agriculture, ou les textes de droit constitutionnel des décennies 1820 et 1830 dont de plusieurs pays étrangers républicanisés et les ouvrages religieux de sa femme.
La bibliothèque Rohan-Chabot est un modèle de bibliothèque d’aristocrates en exil :
souvenir du pays quitté, vestige entretenu et témoignage des secousses historiques. Le conte de Jarnac a transporté sa bibliothèque du château
de Jarnac à Cheltenham en Angleterre, puis en Irlande et à nouveau en Angleterre, y intégrant l’héritage d’Elisha Smith et son riche patrimoine
Llandaff. Son fils, Louis-Guillaume, l’installera au château de Thomastown en Irlande et sa petite-fille, Olivia, épouse de Jules de Lasteyrie,
petit-fils de Lafayette, a œuvré à leur rapatriement au château de Lagrange, en France. Les ouvrages militaires français y côtoient les
références monarchistes britanniques, aux classiques antiques et français s’ajoutent les nouveautés des philosophes et littérateurs anglais.
Mais ce qui différencie cet ensemble, ce sont les exemplaires, pour tous âges et dans plusieurs domaines, offerts par la famille royale d’Orléans
qui témoignent de la relation privilégiée avec les Rohan-Chabot.
Si la bibliothèque Rohan-Chabot se termine avec le couple Olivia de Rohan-Chabot et Jules de Lasteyrie, la bibliothèque Lasteyrie débute avec l’un de leurs enfants Louis II de Lasteyrie et sa femme Olivia Goodlake. C’est cette « deuxième » Olivia qui apportera les nombreux volumes de la collection de son père Thomas Mills Goodlake.
La part des classiques britanniques est donc importante et montre un goût nourri pour la qualité des éditions. On y intègre aussi les livres du dernier Lasteyrie ayant habité le château avant les fondateurs, Louis (III). Il fréquentait les mêmes cercles que les Chambrun. Sa bibliothèque prolonge au XXe l’image d’une époque par la présence de Jean Cocteau, Augustin Cochin ou Lucien Daudet.
La bibliothèque Chambrun est celle des parents de René de Chambrun. Elle mêle l’aventure militaire du père aux recherches littéraires de la mère, spécialiste de Shakespeare. Aldebert de Chambrun apporte ses ouvrages sur le Maroc, où il fut en poste, mais aussi ceux d’un cousin bien connu de l’aventure africaine : Savorgnan de Brazza. Clara Longworth-Chambrun a quant à elle compilé de beaux ouvrages sur la période shakespearienne, outils de ses propres études.
La bibliothèque parisienne abrite les livres personnels des fondateurs. Elle témoigne de l’activité littéraire et intellectuelle d’un couple de la société parisienne au long du XXe siècle. Prenant implicitement la suite du salon des parents Chambrun, la table des Chambrun devient un lieu de rencontre. Parmi les quatre cent livres avec envoi, on trouvera les présences marquantes de nombreux amis : Paul Morand, Marcel Jouhandeau, Léon-Paul Fargue, Anna de Noailles ou Saint-John Perse. Depuis les papèteries auvergnates aux relieurs art déco du moment (Paul Bonnet, Antoinette Cerutti), ces exemplaires montrent un goût pour l’objet, et rassemblent des personnalités telles que des artistes du moment (Arletty, Serge Lifar), les éloignés à la libération (Maurice Bardèche) ou des mondains (Marthe Bibesco).
La bibliothèque du château de Châteldon regroupe environ trois mille ouvrages sur le sujet de la seconde guerre mondiale et les années qui suivirent. Elle a été pensée par les fondateurs, sur la base de la bibliothèque restante de Pierre Laval, comme un outil de documentation sur la période. Son inventaire exhaustif est en cours.