Dans l’ancienne Brie française, sur un plateau entre les deux vallées où coulent la rivière d’Hyères et le ruisseau de l’Yvron, le château de Lagrange domine quelque peu le pays qui l’entoure. Aux temps féodaux, la seigneurie de La Grange-en-Brie est un ensemble vraisemblablement composé d’une tour rectangulaire, dont les vestiges sont aujourd’hui enfouis, de la chapelle Marie-Madeleine et de quelques maisons.
                
                
                    Photo : Johann Fournnier
                
                
                
                    La première trace écrite
 conservée faisant mention
 du lieu est un titre de droit
 de pêche de 1176, époque
 de Pierre Ier de Courtenay,
 septième enfant de Louis
 VI le Gros, qui donna trois
 empereurs à Constantinople.
 Un volumineux terrier
 du XVIIIe inventorie les
 documents légaux du château
 depuis le XIVe. Il est la source
 principale de la richesse de
 cette histoire.
                
                
                    Au début du XIVe siècle, Jeanne de Courpalay épouse Pierre de Courtenay dont les armoiries sont encore visibles au porche de la chapelle et au fronton sud du château. Les aléas des alliances, rentes, querelles et parfois ruines obligent Jean IV de Courtenay, seigneur de Bléneau, à reconstruire presque totalement la chapelle et le château à la fin du XVe siècle, pour en faire un fort massif, fermé, avec une double enceinte de fossés. Il est environné d’un petit village dévoué à l’agriculture. Au XVIe, la « dame de La Grange », Françoise de Courtenay fait l’acquisition de l’ensemble des terres de Courpalay.
                
                
                    Dans son état actuel, le 
 château se compose d’un
  châtelet (porche encadré par 
 deux tours rondes et pont de
  pierre) au nord, d’un corps 
de logis à l’est flanqué d’une 
 troisième tour ronde, d’un
  second corps de logis au sud,
  d’une quatrième tour au sud,
  à l’angle des deux corps de
  logis, et d’une cinquième tour
  à l’ouest à l’extrémité de l’aile
  sud. Le tout forme un «U»
  ouvert au nord-ouest.
                
                
                    Au XVIIe, la terre de Lagrange s’attache à 
une nouvelle illustre famille. La troisième 
fille de Françoise de Courtenay, Jacqueline de
Lignières se marie à Georges d’Aubusson.
Le jeune ménage réassemble les différentes
terres perdues et améliore les environs.
            
                
                
                    L’aîné de leurs enfants prend la suite : François II
 d’Aubusson, deuxième du nom, comte
 de La Feuillade, baron de Pérusse, seigneurx de
 Vouhet, de La Grange-Bléneau et de Courpalay-
en-Brie. Il est enfant d’honneur de Louis XIII,
 rapidement maréchal de camp et devient le premier
 chambellan de Gaston d’Orléans, frère du roi.
 Plusieurs ouvrages font de La Grange, à cette 
 époque, une place forte de la Fronde, comme en 
témoigne un impact de boulet sur la tour nord-est,
 tir ordonné, dit-on, par Turenne.
                
                
                    Des enfants de François II, c’est Léon qui 
 conservera le titre,  puis François III d’Aubusson,
 un sujet bien singulier et très brave dont 
 Mazarin disait qu’il était sans cervelle. En 
recevant sa sixième blessure devant Landrecies,
 il sera ramassé par les espagnols. Au chirurgien 
 qui le soigne, il précisera : « enlevez quelque 
morceau de cervelle et l’envoyez au cardinal
 pour lui apprendre que j’en ai. »
                
                
                    
                    Devenu duc de La Feuillade,
 François III d’Aubusson opéra
 de nouveaux travaux, délaissant
 l’aspect féodal pour le tracé actuel. 
Le mur ouest est ouvert, laissant 
 le soleil couchant éclairer la cour
 d’honneur. Le mur sud s’agrémente
 d’un fronton grec.
 Sans sucesseur, Louis, son fils,
 abandonna quasiment La Grange,
 qui ne l’hébergea jamais.
                
                
                    Le conseiller du roi, directeur général des monnaies de France, Pierre Grassin, baron d’Arcis, fit l’acquisition du château en 1735. Il le céda ensuite à Louis Dupré, conseiller au parlement de Paris. Au milieu du XVIIIe, huit fermes et deux moulins composaient le revenu du domaine et celui-ci avait presque doublé.
                
                
				La fille de M. Dupré épousa M. de Fresnes  dont la fille, Henriette d’Aguesseau, épousa le duc d’Ayen, fils du maréchal de Noailles.  Après la révolution française, Adrienne de   Noailles, épouse Lafayette, reçut Lagrange en  héritage avant même la restitution des biens  confisqués aux émigrés.
 Le château était dans un tel état d’abandon  qu’Adrienne habita le temps des travaux  menés par l’architecte Vaudoyer chez sa sœur,  à Fontenay-Trésigny. Au retour de Lafayette  en France en 1800, le couple y élit domicile.  C’est couronné d’une gloire internationale, et  avec l’image du grand gardien de la liberté,  que Lafayette y développa l’agriculture, selon  le mouvement impulsé par les Lumières. La  chapelle se mua en grange et il fit redessiner  le parc par Hubert Robert, supprimant les  douves.
  Il demeurait ainsi proche de la nature et ne  restait pas trop loin de Paris. Après le décès  d’Adrienne en 1807, Lafayette fait fermer ses  appartements.
                
                
                    Lafayette vivra à Lagrange entouré d’enfants et petits-enfants jusqu’à sa mort en 1834.
 Sa fille Virginie et son mari, Louis de Lasteyrie, héritent du site qu’ils occupent déjà. Puis tout au 
long du XIXe siècle, les trois générations suivantes de Lasteyrie, unies par alliances à de grandes
 familles britanniques y habiteront. Les Rohan-Chabot apportant l’échos d’héritages irlandais : 
Leinster, Ormond, Llandaff ; les Goodlake, ceux des Baker, Mills ou FitzGerald.
                
                
                En 1935, Louis III de Lasteyrie céda en viager le château à son cousin, René de Chambrun, lui-même descen-
 dant de Lafayette. Celui-ci y découvrit un impressionnant fonds d’archives qu’il entreprit de mettre en ordre.
 Conscient de l’importance considérable du patrimoine en sa possession, il décide d’en assurer l’indépendance, la
 neutralité et la pérennité, en l’abritant au sein d’une Fondation d’utilité publique qui verra le jour en 1959.
                
 
                
                    Photo : Johann Fournnier