Agacé de voir que les Assemblées provinciales ne parviennent pas à relever la situation politique et
financière du pays, Louis XVI se résigne enfin à regrouper les trois ordres – clergé, noblesse et tiers état
– en convoquant les États Généraux le 4 mai 1789.
« Barriere des Champs Elisées
Premier May donné à la ville de Paris par L’assemblée Nationale
qui supprime tous les Droits D’entrées aux Barrières. »
En 1789, tout sourit à Lafayette. À 32 ans, dans la force de l’âge, il est toujours une idole et compte, au sein des Etats Généraux, bientôt transformés en Assemblée constituante, parmi les députés de la noblesse les plus favorables aux idées nouvelles.
« Quel charme dans ces réunions du commencement de notre terrible révolution, où les intelligences distinguées, les âmes généreuses de toutes les classes se réunissaient dans le désir du bien ! Le goût ancien y était l’interprète élégant des idées nouvelles. L’exaltation, chez quelques-uns, allait jusqu’à l’aveuglement ; les imaginations vives se flattaient de voir réaliser les plus belles chimères, ou se dépouillaient avec satisfaction de ce qu’on croyait abusif, pensant naïvement s’élever ainsi à une hauteur morale que les masses auraient la générosité de comprendre et de respecter. Enfin, comme l’astrologue de la fable, on tombait dans un puits en regardant les astres. »
Vicomtesse de Noailles, Vie de la princesse de Poix, Paris, Lahure, 1855
Le 20 juin,
le roi fait fermer la salle des menus-plaisirs où les députés ont pris l’habitude de se réunir. Les 300 députés du tiers état, auxquels s’associent quelques députés du clergé et de la noblesse, se retrouvent alors au Jeu de Paume où ils se constituent eux-mêmes Assemblée nationale et y prêtent serment : « Nous jurons de ne jamais nous séparer et de nous réunir partout où les circonstances l’exigeraient, jusqu’à ce que la Constitution du royaume fût établie et affermie par des fondements solides. »
Cinq jours plus tard, 47 députés de la noblesse, dont le
duc d’Orléans, se joignent à l’Assemblée. Le 9 juillet, après que le roi a ordonné aux membres de la noblesse et du clergé de se joindre au Tiers, les députés se proclament Assemblée nationale constituante.
« Ceux qui ont vécu dans ce temps, ne sauraient
s’empêcher d’avouer qu’on n’a jamais vu tant
de vie ni tant d’esprit nulle part, et l’on peut en
juger par la foule d’hommes de talent que les
circonstances développèrent alors. Jamais société
n’a été aussi brillante et aussi sérieuse tout
ensemble que pendant les trois ou quatre années
de 1788 à 1791. Dans aucun pays ni dans aucun
temps, l’art de parler, sous toutes les formes, n’a
été aussi remarquable. »
Madame de Staël, Considérations sur la
Révolution française, Paris, Delaunay, 1818
Conformément aux principes de l’ère américaine, Lafayette présente le 11 juillet une première « Déclaration européenne des droits de l’homme et du citoyen » au sein de l’Assemblée constituante, alors entourée de troupes royales.
13 juillet il est élu vice-président de l’Assemblée nationale. Le lendemain, le 14 juillet, le peuple prend la Bastille.
Pierre-Louis Manuel
La Bastille dévoilée ou
Recueil de pièces
authentiques pour servir
à son histoire
Paris, Devenne, 1789
Cette suite de livraisons publiées
entre le mois d’août 1788 et l’été
1790 contient principalement
les registres de prisonniers. Elle
regorge néanmoins de détails
originaux : comme le fait que
l’édifice ne contenait le 14 juillet
que sept prisonniers.
C’est le jour
de la prise
de la Bastille
que Lafayette
fut nommé
commandant
de la Garde
nationale de
Paris.
Le 15 juillet, à l’Hôtel de Ville de Paris, Lafayette est proclamé commandant général de la milice parisienne, qui deviendra ensuite Garde nationale.
Le 17 juillet, Louis XVI retire ses troupes des alentours de Paris et rappelle Necker au gouvernement. Trois jours plus tard, il se rend à l’hôtel de ville où il accepte la cocarde tricolore (bleu et rouge pour la ville de Paris, Blanc pour la maison des Bourbon) que lui remet Lafayette.
Le 22 juillet, Lafayette se heurte aux limites de son pouvoir : il ne parvient pas à s’opposer au massacre du conseiller d’État, Foulon, et de son gendre, l’intendant Bertier de Sauvigny. Les parisiens sont témoin de son émotion. « Un tel spectacle fit frémir d’horreur le marquis de Lafayette il donna sa démission de colonel de la milice bourgeoise ; mais les municipaux le supplièrent de ne pas les abandonner dans ces terribles moments ; il reprit son poste. »
Nicolas Ruault, Gazette d’un Parisien sous la Révolution : lettres à son frère, 1783-1796.
S’il n’assiste pas aux débats de l’abolition des privilèges votée dans la nuit du 4 août, Lafayette a participé et soutenu son élaboration.
La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen dont Lafayette est à l’origine est adoptée le 26 août.
Journées d’octobre : le peuple entraîne à Paris l’assemblée et le roi.
Le 5 octobre 1789, la foule, qui proteste contre le prix du pain, déferle devant l’Hôtel de Ville, hurlant : « À Versailles ! À Versailles ! ». Commandant de la Garde nationale de Paris, Lafayette essaie pendant deux heures de calmer le peuple avant de se décider à gagner Versailles, afin de soutenir la famille royale. Arrivé sur place il s’adresse à la foule et dispose ses hommes. Le calme revient. Rassuré et épuisé, il quitte les lieux pour s’offrir quelques heures de repos. À cinq heures du matin, la foule infiltre le château et rejoint les appartements du roi où s’est réfugiée la reine. Ils exigent le renvoi des troupes royales, que le roi et sa famille se mettent sous la protection de la Garde nationale et qu’ils rentrent à Paris. Lafayette survient alors. Il exhorte le roi à se montrer au balcon. La foule réclame la reine. Lafayette l’encourage à s’avancer jusqu’au balcon, il s’agenouille et baise la main de Marie-Antoinette sous les acclamations « Vive la Reine, vive le général ! A Paris ! A Paris ! » La famille royale quitte alors Versailles pour s’installer aux Palais des Tuileries : le pouvoir politique tombe désormais sous le contrôle de Paris et des parisiens où Lafayette protégera l’Assemblée et veillera sur la famille royale.