En direction de la Hollande, Lafayette et la vingtaine d’officiers qui l’accompagnent
sont arrêtés dans les environs de Rochefort par des troupes autrichiennes, menées
par des émigrés de la première heure. LE BUTIN EST TROP PRÉCIEUX POUR LE
LAISSER FUIR. LES CELLULES DE NAMUR PUIS NIVELLES FONT RENAITRE
CHEZ LAFAYETTE DES ENVIES D'AMÉRIQUE.

Les appels aux représentants américains, Gouverneur Morris, William Short ou
Thomas Pinckney ne trouvent pas écho. Lafayette, Latour-Maubourg, Bureau
de Pusy
et Lameth sont livrés à la Prusse et menés à Wesel en Westphalie. Les
cachots souterrains imposent des conditions si âpres que Lameth y est à l’agonie.

Sorti de France dans la nuit du 19 au 20 août, Lafayette
est arrêté par les prussiens et livré à l’Empereur

De Wesel, sur le Rhin, les détenus sont transférés
à la forteresse de Magdebourg,
sur l’Elbe, où ils
sont gardés pendant un an.

Lettre du 21 août de Lafayette à Adrienne : « J’aurais
pu, avec plus d’ambition que de morale, avoir une existence
fort différente de celle-ci ; mais il n’y aura jamais rien de
commun entre le crime et moi. J’ai le dernier maintenu la
Constitution que j’avais jurée. Vous savez que mon cœur
eût été républicain, si ma raison ne m’avait pas donné cette
nuance de royalisme, et si ma fidélité à mes serments et à la
volonté nationale ne m’avait par rendu défenseur des droits
constitutionnels du roi. »

Marquise de La Tour du Pin, Mémoires, Journal d’une
femme de 50 ans
, Paris, Mercure de France, 1983

Assignats que Lafayette avait sur lui en août
1792 lors de son arrestation par les autrichiens.

«... sans doute voulurent-ils se servir de La Fayette, de
Latour-Maubourg, de Lameth et de Pusy, tous anciens
constituants, comme otages pour garantir la sécurité du roi
et de sa famille enfermée au Temple depuis le 1 août (…)»
Chantal de Tourtier-Bonazzi,Lafayette vu pas ses
contemporains,
Paris, Bibliothèque Nationale, 1982

Portrait miniature de Francis Kinloch Huger

Ferrure d’une des trois portes des
« chambres » où était très probablement
logée la famille Lafayette.

Puis Lafayette est envoyé à Neisse. La Prusse, qui
a d’autre priorités, transmet ses détenus
aux autrichiens, toujours en guerre contre
la France.
Le 4 janvier 1794, après un périple de
1500 km qu’il effectue en un an et demi à travers les
territoires actuels de la Belgique, de l’Allemagne, de
la Pologne et de la République Tchèque, Lafayette
s’éloigne un peu plus des agitations du temps. La
détention, l’isolement, l’insalubrité et surtout la
conscience que son destin politique s’essouffle ne
doivent pas occulter une chance palpable : celle
d’éviter les massacres de la Terreur.

Accompagné de Maubourg et Pusy, Lafayette,
est incarcéré à Olmütz, en Moravie. Il ne se fait
aucune illusion sur ses futures conditions
d’internement.
C’est un collège transformé
en prison qui l’accueille. D’autres français y sont
présents, notamment Pierre Riel de Beurnonville,
un conventionnel dénoncé par Dumouriez qui sera
échangé avec Marie-Thérèse de France, la fille
de Louis XVI.
L’enfermement est rude : ni correspondance, ni
biens personnels. On attribue même aux prisonniers
des numéros. Lafayette est « 2 ».
Les autrichiens semblent tenir à l’insalubrité des
lieux. La cellule de Lafayette côtoie les latrines. Le
fidèle domestique, Félix Pontonnier, vient néanmoins
chaque matin lui rendre visite. La bibliothèque de la
prison offre quelques consolations mais de nombreux
titres y sont prohibés. Les physiques s’usent. Lafayette
semble pourtant favorisé par sa bonne constitution.
Le Dr. Haberlein arrache à l’Empereur la possibilité
de promenades de santé pour ses patients prisonniers.
Lafayette bénéficie alors de ces deux heures d’après-
midi dans les alentours et sous bonne escorte. La
princesse d’Hénin, en informe le Dr. Bollmann,
médecin de Hambourg, afin qu’il prépare une
évasion. Fin juillet 1794, Lafayette reçoit en
termes codés un plan d’évasion
écrit dans un
livre au jus de citron.

Bollmann s’est attaché à Vienne le soutient
enthousiaste d’un étudiant en médecine : Francis
Huger
, qui n’est autre que le fils du major Benjamin
Huger qui accueillit Lafayette en 1777 lors de son
débarquement à Georgetown. A eux deux, ils
échafaudent un plan d’évasion qu’ils fixent
à la date du 8 novembre 1794
. Comme prévu,
Bollmann et Huger réussissent à délivrer Lafayette
de son gardien, lors de sa promenade de santé. Après
avoir parcouru huit lieues le prisonnier est rattrapé,
arrêté et ramené à Olmutz. Ses complices feront
respectivement six mois et un an de prison.

La tentative a échoué, les conditions de
détention deviennent plus drastiques. Néanmoins,
l’affaire est médiatisée et les soutiens de Lafayette : la
princesse d’Hénin, Madame de Staël, Lally-Tollendal
ou Washington tentent, sans succès, de se faire
entendre à nouveau.

Dessin légendé de la citadelle de Magdebourg (plan topographique à la plume et à l’aquarelle)

Le 27 mai 1794, transférée à Paris, elle se rapproche des tribunaux révolutionnaires. Sa captivité s’ouvre sur quinze jours à la prison de la Petite Force. Le collège du Plessis, anciennement celui de Lafayette, transformé en centre de détention, l’accueille ensuite. Les exécutions se multiplient, le sang impur coule : Marie-Antoinette, le duc d’Orléans, Brissot, Bailly, etc. Le couperet se rapproche fatalement : la grand-mère d’Adrienne, sa mère, sa sœur, montent à l’échafaud le 22 juillet 1794. Adrienne poursuit son incarcération à la maison Roche puis à la maison Delmas.

Deux chemins, un destin. Dès que Lafayette franchit la frontière, il est accusé de trahison et la pression se porte sur ses biens, sa famille. Même Condorcet qui fut du Club de 1789 s’en prend à lui. Adrienne, qui demeure encore au château de Chavaniac, craint l’arrestation. Elle s’insurge le 10 septembre 1792, lorsque les jacobins de Brioude investissent le château, et sa demande de résidence surveillée est acceptée. Elle multiplie les missives aux amitiés de son mari, en France et à l’étranger. Américains et anglais hésitent par diplomatie à prendre un parti clair. Sur le sol national, les positions se radicalisent, la donne change, les figures du passé n’ont plus à être protégées. Alors que Lafayette subit les geôles monarchistes, le 13 novembre 1793, Adrienne est à nouveau arrêtée puis conduite à Brioude.

Peut-être ses prières ont-elles été entendues, en tout cas, Gouverneur Morris puis James Monroe ont été de cruciaux intercesseurs. Le 22 janvier 1795, Adrienne est libérée. Il faut ajouter à cette libération la conséquence décisive de la chute de Robespierre. La situation politique reste instable et Adrienne cherche en premier lieu à sauver son fils, George-Washington. Boissy d’Anglas, personnage du Comité de salut public, et ami de l’oncle Ségur, obtient un passeport au nom de « M. Motier ». George-Washington, avec son précepteur, peut embarquer vers les États-Unis et rejoindre Washington, le grand ami de son père.

Que faire de ses filles et d’elle-même dans un pays qui a exécuté sa mère, sa grand-mère et sa plus jeune sœur ? Fuir aussi, mais avant tout, faire respecter son droit de propriété en héritant des terres de sa mère, saisies par les révolutionnaires : Chavaniac, Fontenay et Lagrange. Adrienne obtient aussi, auprès de Boissy d’Anglas, trois passeports pour les Etats-unis. Embarquant à Dunkerque sur le Little Cherub, battant pavillon américain, elle se rend finalement à Hambourg avec le secret et fol espoir de rejoindre, enfin, son mari.

En octobre 1795, Lafayette ne peut plus entrevoir d’issue. C’est au prix d’un voyage de grande bravoure et avec la puissante conviction que les événements sont surmontables à plusieurs qu’Adrienne et ses deux filles, Anastasie et Virginie (18 et 13 ans), parviennent à rejoindre la prison d’Olmütz où elles partageront, dans des conditions éprouvantes, le sort du prison- nier jusqu’à sa libération.

Après une année au secret absolu, le 15 octobre 1795, trois
silhouettes se profilèrent dans la cellule de Lafayette.
Anastasie a crayonné de mémoire ces retrouvailles.

Georges-Louis Leclerc Buffon, Histoire naturelle,
générale et particulière, avec la description du
Cabinet du Roi

Paris, Imprimerie Royale, 1749-1782

Cette série comprenant les volumes de l’édition
originale publiés jusqu’en 1775 appartenait à
Adrienne de Lafayette. Le treizième volume
recèle une cachette dans sa reliure destinée
à dissimuler un courrier. Il a été saisi à la
conciergerie de la prison d’Olmütz et restitué
lorsque la famille Lafayette fut libérée. Il est

historiquement possible que la lettre contenue

et saisie fut celle d’Adrienne

de Lafayette

prévenant
son époux de

son arrivée à

Olmütz.

Le geôlier de la prison d’Olmütz dessiné par Anastasie de La Fayette
pendant la captivité de son père le Général de La Fayette avec lequel
elle était enfermée en 1795.

Lafayette allongé sous les yeux de son geôlier est en présence
d’Adrienne, d’Anastasie et de Virginie.

Gravure commandée par Fox pour sensibiliser
l’opinion du parlement anglais sur le sort
de Lafayette. Il la remit en mains propres
au Général lors de sa venue à Lagrange en 1802.