Le 10 juillet 1780, le corps expéditionnaire de Rochambeau arrive à Newport et refoule vers New York les hommes du général anglais Clinton.
Impatient, Lafayette tente de convaincre Rochambeau d’attaquer New York au plus vite. Ce dernier s’agace et exige de diriger directement les projets de campagne avec Washington. Lafayette s’incline et accepte respectueusement de se soumettre au commandement de Washington.
La rencontre entre les deux chefs de guerre définit une stratégie commune : l’armée américaine va attendre l’arrivée des renforts promis par la France avant de se mettre en marche, tandis que l’escadre française, renforcée, assurera le contrôle de la mer et du transport des troupes.
« Lafayette à la tête d’un corps d’élite, les riflemen, est chargé par Washington de conduire les opérations militaires en Virginie contre des forces anglaises quatre fois supérieures en nombre, placées sous le commandement du talentueux général anglais Lord Cornwallis. Dans une lettre adressée à son état-major, celui-ci annonce une grande offensive contre les troupes de Lafayette en concluant « the boy connot escape me ». Mais Lafayette manœuvre en une retraite victorieuse. « Si je livre bataille, je serai mis en pièces, si je refuse le combat, la Virginie se croira abandonnée. Je me décide donc à une guerre d’escarmouches. » Par des marches forcées et rapides, des replis stratégiques, il harcèle le général anglais. Cette poignée de Virginiens galvanisés par la fougue et l’habilité de leur jeune chef rivalise d’exploits et d’audace. « L’ennemi a été si obligeant, qu’il s’est retiré devant nous. » Cornwallis se retranche dans la ville de Yorktown au Sud de Philadelphie. »
René Belin, Lafayette ou la passion de la Liberté, Rivages communication, 2012, p.60
Après une année d’attente, l’amiral de Grasse répond à l’appel de Rochambeau et pénètre enfin dans la baie de Chesapeake le 30 août 1781. Les troupes françaises débarquent aussitôt et se joignent aux hommes de Lafayette. Rochambeau et Washington, qui s’étaient rejoint le 30 juin près de New York, marchent avec force vers la Virginie, bloquant le général Cornwallis dans la petite ville fortifiée de Yorktown.
En juillet 1780, Lafayette confie ses doutes et ses incertitudes sur la campagne de Virginie à son ami le chevalier de Chastellux.
« Le commandement que j’ai est très beau, mon cher chevalier, mais il est trop scabreux, je manque de moyens, nos forces tout bien considéré ne sont pas égales à l’ennemi, peut-être pourrons-nous réussir à le tromper, mais si nous avons une bataille et la perdons, la cavalerie me ruinera, il reprendra ce qui a été abandonné et ce que nous courrons et la conquête de cet état sera la suite d’une défaite. »
Le 3 septembre 1781, à la tête d’une troupe d’élite, Lafayette participe activement à la bataille de Chesapeake et devient l’un des principaux acteurs de Yorktown.
Le siège est rondement mené : la flotte anglaise est mise en échec par Grasse, Lauzin bouscule la cavalerie anglaise aventurée à l’extérieur de la place, des tranchées sont ouvertes et, dans la nuit du 14 au 15 octobre, l’infanterie légère américaine, sous le commandement du marquis de Lafayette et de Hamilton, les grenadiers et chasseurs français, sous les ordres du baron de Viomenil et du marquis de Saint-Simon, partent à l’assaut. Les Américains entrent dans le premier retranchement à la baïonnette. Comme le feu des Français dure encore, Lafayette envoie demander s’ils ont besoin d’un secours, mais il ne tarde pas à s’emparer de la seconde redoute.
Après trois semaines de siège, Cornwallis envoie un parlemen- taire au général Washington pour demander une suspension d’armes. Le 19, la capitulation est signée. « La pièce est jouée, monsieur le comte, et le cinquième acte vient de finir » écrit alors Lafayette à Maurepas. S’il demeure officier américain et le restera toute sa vie, le rôle joué par Lafayette lui vaut, à l’âge de 24 ans, le titre de maréchal de camp dans l’armée française.
L’indépendance des États-Unis assurée, Lafayette sollicite et obtient du Congrès un congé pour rentrer en France. Pour la seconde fois il s’embarque à bord de l’Alliance. Il débarque à Lorient après 23 jours de traversée.
Pour la première fois depuis Louis XIV, la France avait battu les Anglais sur terre et sur mer. Elle prenait sa revanche de plus d’un siècle d’humiliations.
Banastre Tarleton, A history of the campaigns of 1780 and 1781 in the southern provinces of North America
Londres, T. Cadell, 1787
Cet ouvrage, aux armes de Lafayette, décrit la guerre d’Indépendance du côté anglais. Militaire et homme politique, son auteur, a été surnommé le « boucher » par les Patriots. Il fut notamment l’acteur d’un raid pour capturer Jefferson en 1871, précipitamment déjoué. Terriblement défait par le duc de Lauzun et ses hussards, il se retira au Parlement britannique.