C’est en Caroline du Sud, au Nord de Charles- ton, que Le navire la Victoire accoste le 13 juin 1777 et que Lafayette débarque en compagnie de Kalb et de cinq autres officiers.
S’il tombe sous le charme des mœurs et de la nature sauvage qu’il découvre, de l’accueil loyal et chaleureux qui lui est réservé, Lafayette ne souhaite pas s’attarder. Il n’aspire qu’à rejoindre Philadelphie, où siège le gouvernement des colonies, afin de présenter les lettres d’accréditation qui lui ont été remises par Deane et Franklin et d’offrir au plus vite ses services au Congrès.
Après s’être procuré des chevaux, il parcourt, en compagnie de six officiers, sous une chaleur accablante et dans des conditions déplorables près de 900 miles en pays inconnu, sans rien perdre de son enthousiasme.
Le 1er juillet, tandis que Lafayette traverse de vastes forêts et des fleuves immenses, Adrienne met au monde leur deuxième fille, Anastasie.
Ces trois livres n’ont pas quitté Lafayette pendant l’Indépendance : La Petite Guerre ou traité du service des troupes légères en campagne, sur les combats isolés, qu’il avait déjà à Metz ; The New Spelling Dictionary, lexique de la langue anglaise qu’il acquit à Londres lors de son voyage semi-clandestin qui précéda sa fugue et dont il se servit pendant la traversée sur « La Victoire » ; et enfin Military Instructions for Officers detached in the field dont il s’inspira pour conduire sa division américaine.
En parcourant les rues de Philadelphie, Lafayette et ses compagnons ignorent, qu’agacé par le compor- tement arrogant et intéressé des aventuriers euro- péens venus soutenir la cause américaine, le Congrès s’est résolu à se passer de leurs services.
Un premier accueil froid et distant, est donc
réservé au jeune aristocrate français qui n’admet pas d’être traité comme un simple aventurier. Il s’obstine et fait valoir qu’il ne demande que deux grâces : servir comme volontaire et ne recevoir aucun appointement. Au regard de sa fortune et de son alliance à une grande famille proche de la Cour, le Congrès offre enfin à Lafayette de servir l’armée américaine sans solde, sans commandement et sans engagement pour l’avenir, en qualité de « major Général », alors que la plupart des officiers qui l’ont accompagné sur « la Victoire » sont renvoyés en Europe.
C’est au cours d’un dîner des membres de Congrès que Lafayette rencontre
George Washington pour la première fois. Ce dernier l’invite à vivre chez lui comme membre
de sa famille militaire. Lafayette accepte aussitôt et, dès le lendemain, l'accompagne inspecter les troupes américaines. « Nous devons être embarrassés, de nous montrer à un officier qui quitte les troupes françaises », lui dit le général en chef. « C’est pour apprendre et non pour enseigner que je suis ici », répond Lafayette avec franchise. Au fil du temps, un lien indéfectible se tissera entre les deux hommes. Il se dit que l’orphelin Lafayette rencontra son père en George Washington tandis que George Washington reconnaissait son fils en Lafayette.
Le 11 septembre 1777, c’est le baptême du feu tant souhaité. A Brandywine, en Pennsylvannie, les Insurgents attaquent l’armée anglaise qui marche vers Philadelphie. Inférieurs en nombre les américains sont repoussés par les anglais. Vaillammant, Lafayette s’illustre en arrêtant les fuyards : il les rallie, repart à l’assaut et les fait tenir le temps d’étouffer la retraite. Blessé à la jambe, il refuse d’être soigné avant d’avoir rendu compte au général Washington.
Entre septembre et octobre 1777, les deux batailles de Saratoga, qui se dé- roulent à 18 jours d’intervalle, marquent une victoire décisive de l’armée de Washington sur les Britanniques.
Un mois plus tard, le 25 novembre, Lafayette remonte à cheval pour bous- culer 350 Hessois de l’armée anglaise de Charles Cornwallis, à la bataille de Gloucester.
Pour honorer sa victoire, Washington demande au Congrès que Lafayette soit nommé comman- dant d’une division de l’armée continentale. Le 1er septembre 1777, celui que l’on nomme « le Marquis » se retrouve à la tête de la division de Virginie.
Pendant que Lafayette se joint aux insurgents pour marcher contre les armées anglaises, Adrienne reçoit les honneurs de Voltaire...
En décembre 1777, il accompagne Washington et 11.000 soldats, à Valley-Forge, dans une ville improvisée de cabanes et de huttes, battue par des bourrasques de neige et un vent glacial où les insurgents établissent leurs quartiers d’hiver. Les hommes vont et viennent, certains quittent l’armée, des centaines de soldats y meurent de maladie, de faim et de froid. La situation financière de l’armée est désastreuse et les intrigues politiques vont bon train. Un complot tente d'opposer le jeune major général à son général en chef mais Lafayette reste fidèle à l’ami qu’il admire et affectionne. Si l’image qu’il avait de l’Amérique se ternit au constat que la cause de l’indépendance ne compte pas que des sympathisants, Lafayette traverse l’épreuve avec courage. Il ne perd jamais espoir en l’aide de la France et en la victoire finale.
Le 16 décembre 1777, il écrivait à son beau-père le duc d’Ayen :
« L’Amérique attend avec impatience que nous nous déclarions pour elle et un jour, je l’espère, la France se déterminera à humilier la fière Angleterre. Cette considération et les démarches que l’Amérique me paraît décidée à faire, me donnent de grandes espérances pour le glorieux établissement de l’indépendance. Je ne nous vois pas aussi forts que je nous croyais, mais nous
pouvons nous battre ; nous le ferons, j’espère, avec quelques succès ; et avec le secours de la France nous gagnerons avec dépens la cause que je chéris parce qu’elle est juste, parce qu’elle honore l’humanité, parce qu’elle intéresse ma patrie et parce que mes amis américains et moi y sommes engagés fort avant... »
Lafayette, Mémoires, correspondances et manuscrits du général La Fayette publiés par sa famille, Paris, H. Fournier Ainé, 1837, t.1
Tandis que Lafayette confie ses réflexions à son beau-père, sa tante Melle du Motier de La Fayette, reçoit à Chavaniac un courrier qui l’alerte sur les fonds tirés par Mr le Marquis de Lafayette depuis les États-Unis...