Sitôt rentré à Paris, Lafayette est reçu triomphalement à la cour le 22 janvier 1782. Le roi le réintègre dans l’armée
française avec le grade de Maréchal des camps, à dater du 19 octobre 1781, jour de la capitulation de Yorktown. 

« L’opinion l’adopta, l’Opéra l’applaudit, les
actrices le couronnèrent. La reine lui sourit,
le roi le fit général, Franklin le fit citoyen,
l’enthousiasme national en fit son idole. »

Alphonse de Lamartine,
Histoire des Girondins,
Paris, Furne et Coquebert,
1848, t.1, p. 37

« La reine elle-même lui réserva un bon accueil.
Le 8 juin, lors des fêtes données à Versailles en
l’honneur du comte du Nord, le futur Tsar Paul 1er,
elle danse un quadrille avec lui. »

Etienne Taillemite,
La Fayette,
Paris, Fayard,
1989, p. 98

« C’était la révolution qui
revenait d’Amérique et le
général représentait à la fois
les triomphes du présent et
les espérances de l’avenir...
C’était donc plus qu’une
personne, c’était une idée
que l’on acclamait dans
Lafayette et il le sentait. »

Jules Germain Cloquet,
Souvenirs sur la vie privée
du général Lafayette
, Paris,
Galignani et Cie., 1836

« G.(al) Lafayette / le héros des deux mondes. » Thiébault, Jean-Baptiste , Graveur, Lacour, P.,
Imprimeur. Paris Musées / Musée Carnavalet

Marie-Antoinette, reine de
France, d’après Madame
Vigée Lebrun

Grisé par le vacarme des hommages et l’avidité
du public qui le portent aux nues, le « héros
des deux mondes » renoue sa liaison avec
Aglaë de Barbentane, comtesse d’Hunolstein
et conquiert le cœur de Diane-Adélaide de
Damas d’Antigny, de Simiane, célèbre
beauté du moment.
Durant les années qui suivent son retour
triomphal, Lafayette cultive sa popularité et
se consacre avec assiduité à son nouveau rôle :
celui d’un véritable représentant européen des
intérêts américains.
Porté par l’idée qu’il faut tout mettre en
œuvre pour développer le commerce avec
les Etats-Unis, il s’applique à entretenir
l’amitié franco-américaine et à développer
les échanges. Après sa rencontre avec les
députés de commerce de Bayonne il suggère à
Vergennes d’attirer les négociants américains
dans les ports français et obtient l’ouverture
des ports francs de Marseille, Bayonne,
Dunkerque et Lorient.
« Tous ceux qui ont vécu dans ce temps se rappellent encore l’enthousiasme qu’excita le retour de Monsieur de Lafayette, enthousiasme que la reine elle-même partagea. On célébrait alors à l’hôtel de ville une grande fête à l’occasion de la naissance de l’héritier du trône. On y apprit l’arrivée du vainqueur de Cornwallis, et Mme de Lafayette qui y assistait reçut une marque bien signalée de la faveur royale car la reine voulut la conduire elle-même dans sa propre voiture à l’hôtel de Noailles où venait de descendre son époux. »

Vie de Madame de Lafayette par Madame de Lasteyrie,
sa fille, Paris, Techener, 1868.

En septembre 1782 naît sa fille Virginie,
(en référence à l’État natal de Washington) qui épousera le
marquis de Lasteyrie en 1803.
Non content de s’activer poli- tiquement, Lafayette fréquente les salons avec assiduité. Très lié avec Benjamin Franklin, il entretient une correspondance chaleureuse autant que régu- lière avec George Washington. Les négociations diplomatiques, pour tenter de trouver un accord de paix entre l’Angleterre et les Etas-Unis, trainent en longueur et un nouvel effort militaire semble nécessaire pour en finir. La France et l’Espagne élaborent alors une opération qui acterait une victoire totale sur les anglais en s’emparant de la Jamaïque et de New-York. Adjoint de l’amiral d’Estaing, Lafayette rejoint la flotte espagnole à Cadix. Mettant un terme à la guerre d’indépendance des Etats-Unis, le traité de Paris signé le 30 septembre 1783, abolit défini- tivement ce projet.
Suite au décès d’une des deux tantes qui l’avaient élevé,
Lafayette rejoint Chavaniac en mars 1783.  
A son tour, l’Auvergne l’accueille en héros. Alerté pourtant de
la situation, il découvre sur place la pauvreté engendrée par les
mauvaises récoltes. Plutôt que de vendre le seigle produit sur son
domaine, il le distribue gratuitement aux pauvres. 
De retour à Paris, deux mois plus tard, 
il reçoit, des mains de son beau-père le
duc d’Ayen, la croix de chevalier de Saint-
Louis, plus haute distinction du régime, au
regard du rôle exceptionnel qu’il a tenu en
Amérique, auprès du Congrès, ainsi qu’en
France, auprès du Roi. 
Son hôtel, acheté un an plus tôt rue de
Bourbon, étant prêt à l’accueillir, il quitte
l’hôtel des Noailles avec sa famille, ouvre sa
porte aux représentants de l’esprit nouveau et
réserve un accueil particulier aux américains
de passage à Paris. 
C’est en se confrontant à la
réalité des Etats-Unis que
 Lafayette s’est peu à peu rallié
aux droits de l’homme. Ces
 changements étaient déjà en
 France largement introduits par
 Rousseau. Nombreux étaient
ceux qui, à l’image du jeune
général, voulaient faire passer
le contrat social de la théorie
à la pratique politique, et
réformer le monde sous le
feu d'idées nouvelles.
Animé par son insatiable désir d’accomplir des réformes, Lafayette regagne l’Auvergne en compagnie d’Adrienne en juillet de la même année. Non content de s’attaquer au réaménagement du domaine de Chavaniac, le couple a pour projet d’installer une école de tissage à Saint-Georges d’Aurac, dans l’objectif d’offrir une source de revenus à ceux qui en manquent.
Qu’il visite les ports de l’Atlantique, voyage à l’étranger, en
France ou se déplace en Auvergne, Lafayette s’entretient
de tout et se montre curieux de la moindre innovation.
Il soutient bon nombre d’exploits dont celui des frères
Montgolfier, inventeurs de la montgolfière, à bord de laquelle
s’effectue, en 1783, le premier vol d’un être humain.
« Rentré en France au début de 1782, Lafayette fut informé par des libéraux comme Turgot et Malesherbes de l’activité croissante d’anglais généreux guidés par Granville  Sharp et William Wilberforce en vue d’obtenir de leur gouvernement des mesures légales contre l’esclavage. Cette campagne philosophique et quasi-sentimentale avait, en dépit de la guerre, trouvé rapidement des échos en France et aussi dans le nord des Etats-Unis, particulièrement chez les Quakers. Que ces nouvelles aient converti Lafayette ou qu’elles n’aient fait que précipiter une lente évolution, nous l’ignorons. Un fait est sûr, la lettre qu’il écrivit le 5 février 1783 à Washington prouve qu’il était maintenant tout à fait opposé au principe de l’esclavage et décidé à faire au plus tôt quelque chose afin de démontrer qu’en instruisant les Noirs il était possible de les rendre dignes de la liberté.

Unissons-nous pour acheter une petite propriété où nous puissions essayer d’affranchir les Nègres et les employer seulement comme des ouvriers de ferme. Un tel exemple, donné par nous, ajoutait-il, pourrait être généralement suivi, et si nous réussissions en Amérique, je consacrerais avec joie une partie de mon temps à mettre cette idée à la mode dans les Antilles, Si c’est un projet bizarre, j’aime mieux être fou de cette manière que d’être jugé sage pour une conduite opposée.” »

Albert Krebs, La Fayette et l’abolition de l’esclavage, Paris, Cahiers français, 1957.